Colloque

 

13 mars 1999, Sorbonne.
« L’auteur et son traducteur »


Objectifs du colloque

            Le thème proposé est l'étude des différents rapports que peuvent entretenir les auteurs et leurs traducteurs ainsi que leur impact sur la production littéraire.

            Dans le cas d'écrivains contemporains, certains traducteurs ont la possibilité d'avoir des contacts directs  avec leurs auteurs (visites, échanges de correspondance, entretiens téléphoniques), sur des points particuliers ou généraux de leurs traductions. Des exemples précis, tirés de l'expérience personnelle des auteurs et de leurs traducteurs, montrant comment peut alors s'établir une collaboration entre un écrivain et son traducteur, pouvant aller jusqu'à une co-écriture ou à une réécriture.

            L'écrivain peut très certainement influencer et transformer une traduction (modifications ou non après ces contacts, droit de regard de l'auteur sur ce qui est proposé comme traduction).

            De nombreux points essentiels ont été analysés et les questions suivantes ont été évoquées: comment  devient-on le traducteur attitré d'un écrivain ? Le traducteur influence-t-il également l'œuvre future de l'auteur ? Dans le cas de traductions d'auteurs disparus, comment peut également s'instaurer une sorte de complicité entre le traducteur et l'écrivain du passé, voire même entre différents traducteurs du même auteur ? Est-il envisageable de dresser un historique des rapports entre les auteurs et leurs traducteurs, grâce aux biographies, aux correspondances publiées ou aux oeuvres de fiction les représentant ?

            L'ensemble de ces travaux correspond à une attente, aussi bien des auteurs, des traducteurs, des éditeurs, des traductologues que des enseignants de la traduction.

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             "L'auteur et son traducteur", le colloque aurait pu aussi être intitulé "L'auteur et ses traducteurs", puisqu'il est possible de s'y mettre à plusieurs pour traduire une oeuvre et un récent article du Monde (13 novembre 1998), parlait de "tissage à deux mains" et de "duo à deux voix".

            Sauf dans l'autotraduction (Julien Green, Nabokov) et Beckett, dans le cas d'un traducteur unique, il y a nécessairement deux personnalités qui se côtoient, se rapprochent ou s'affrontent dans la production de deux textes auxquels vient s'ajouter un troisième personnage avec sa propre attente: le lecteur du texte traduit.

            Quant aux contacts "auteur/traducteur", ils sont parfois recherchés, plus ou moins ponctuels, parfois très prolongés et riches: on parle souvent de "collaboration", de "complicité", voire de "connivence".

            Maurice-Edgar Coindreau y voyait un "acte d'amoureuse collaboration" et au cours d'un débat entre Jerome Charyn et Marc Chénetier, à la librairie "Village Voice", on est allé jusqu'à parler de "jumeaux" et de clones.  Mais ces contacts ne sont parfois ni sollicités, ni par l'un d'eux ni par les deux.

            Au cours des XVèmes assises d'Arles, Jean Rouaud a clairement posé le problème en  évoquant ses relations avec ses traducteurs. "Certains s'arrangent sans l'auteur; d'autres le questionnent, surtout sur les références culturelles, fréquentes dans ses textes; d'autres encore lui ouvrent des horizons par des questions érudites sur des soit-disant références, qu'il découvre." (Trans Littérature, 16 hiver 98, 49.)

 

            Avec certaines précautions, certains parallèles semblent possibles avec le rapport éventuel pouvant se créer entre le chercheur (thésard) et  l'auteur contemporain sur lequel il écrit—rapport qui peut être, soit recherché, soit violemment rejeté. J'ai, parmi mes étudiants, de nombreux exemples de ces deux attitudes parfaitement justifiables, l'une comme l'autre.

            On pourrait  également évoquer le rapport qui peut exister entre le  biographe et son biographé (belle parodie de ce rapport dernier roman de Kingsley Amis: The Biographer's Moustache). D'autres parallèles semblent possibles, comme celui qui se crée entre le réalisateur et l'auteur de l'œuvre qu'il adapte à l'écran.

            Souvent ces deux attitudes contrastées semblent se résumer dans une nouvelle version du pour ou contre Sainte Beuve en se demandant si l'auteur est ce scripteur dont parlait Barthes dans sa première période et si la meilleure chose qui lui reste à faire est bien, selon les termes d'Umberto Eco, de nous rendre le service de mourir immédiatement après avoir écrit son texte. (Umberto Eco, Apostille au nom de la rose, 1983, 14.)

            D'autres, comme l'Argentin Arnaldo Calveyra, en se plaçant du côté de l'auteur, voient dans cette collaboration une véritable épiphanie créatrice: "Travailler avec un traducteur est un moment béni pour un auteur. Cela signifie avant tout s'éloigner du texte, le relire—mais cette fois en présence d'un témoin, d'un regard d'exception, celui du traducteur—comme j'aurais été incapable de la faire tout seul. L'arrivée du traducteur s'apparente à un miracle; il va nous faciliter les choses et, tout en faisant son travail de traducteur, nous aidera à parfaire le nôtre, celui d'écrivain." (Le Monde, 13 nov. 1998).

              Le rejet ou l'éventuelle collaboration entre un écrivain et son traducteur, pouvant porter sur quelques points mineurs et pouvant aller jusqu'à une quasi co-écriture ou à une réécriture, illustrée par des exemples précis provenant de l'expérience des communicants auteurs ou traducteurs, était l'un des objectifs de ce colloque.

 

Programme du colloque

 

9h.15-9h.45 Jean Guiloineau (traducteur, notamment d'André Brink, Breyten Bretenbach, Toni Morrison) : « L’invention de la traduction. »

9h.45-10h.15  Bernard Turle (traducteur, notamment de Peter Ackroyd, Rupert Thomson) : « La fausse trahison. »

10h.15-10h.45  Rémi Lambrechts (traducteur, notamment de Saul Bellow, John Updike) : « Géométrie d’un triangle : comment le traducteur s’inscrit-il dans la relation auteur étranger/lecteur français ? »

11h.15-11h.45 David Lodge (écrivain) / Maurice Couturier (traducteur et Professeur à Nice): « Words and Things »

11h.45-12h.30 table ronde

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14h.30-15h. Jean Besson (traducteur de Wilde) : « Oscar Wilde et ses traducteurs »

15h.-15h.30  Pascale Sardin (Maître de conférences à Bordeaux) : « Samuel Beckett auto-traducteur, ou l’art de la « malfaçon » traductive. »

15h.30-16h. Sebastian Barry (écrivain) / Robert Davreu (traducteur et Professeur à Paris VIII)

16h.-16h.30 Jerome Charyn (écrivain) /Marc Chénetier (traducteur et Professeur à Paris VII)

16h.30-17h.30 table ronde

 

       

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