Objectifs du
colloque
Le thème proposé est l'étude des différents rapports que peuvent entretenir
les auteurs et leurs traducteurs ainsi que leur impact sur la production
littéraire.
Dans le cas d'écrivains contemporains, certains traducteurs ont la
possibilité d'avoir des contacts directs avec leurs auteurs (visites,
échanges de correspondance, entretiens téléphoniques), sur des points
particuliers ou généraux de leurs traductions. Des exemples précis,
tirés de l'expérience personnelle des auteurs et de leurs traducteurs,
montrant comment peut alors s'établir une collaboration entre un écrivain
et son traducteur, pouvant aller jusqu'à une co-écriture ou à une
réécriture.
L'écrivain peut très certainement influencer et transformer une traduction
(modifications ou non après ces contacts, droit de regard de l'auteur
sur ce qui est proposé comme traduction).
De nombreux points essentiels ont été analysés et les questions suivantes
ont été évoquées: comment devient-on le traducteur attitré d'un écrivain
? Le traducteur influence-t-il également l'œuvre future de l'auteur
? Dans le cas de traductions d'auteurs disparus, comment peut également
s'instaurer une sorte de complicité entre le traducteur et l'écrivain
du passé, voire même entre différents traducteurs du même auteur ?
Est-il envisageable de dresser un historique des rapports entre les
auteurs et leurs traducteurs, grâce aux biographies, aux correspondances
publiées ou aux oeuvres de fiction les représentant ?
L'ensemble de ces travaux correspond
à une attente, aussi bien des auteurs, des traducteurs, des éditeurs,
des traductologues que des enseignants de la traduction.
*
"L'auteur et son traducteur", le colloque aurait pu aussi
être intitulé "L'auteur et ses traducteurs", puisqu'il est
possible de s'y mettre à plusieurs pour traduire une oeuvre et un
récent article du Monde (13 novembre 1998), parlait de "tissage
à deux mains" et de "duo à deux voix".
Sauf dans l'autotraduction (Julien Green, Nabokov) et Beckett, dans
le cas d'un traducteur unique, il y a nécessairement deux personnalités
qui se côtoient, se rapprochent ou s'affrontent dans la production
de deux textes auxquels vient s'ajouter un troisième personnage avec
sa propre attente: le lecteur du texte traduit.
Quant aux contacts "auteur/traducteur", ils sont parfois
recherchés, plus ou moins ponctuels, parfois très prolongés et riches:
on parle souvent de "collaboration", de "complicité",
voire de "connivence".
Maurice-Edgar Coindreau y voyait un "acte d'amoureuse collaboration"
et au cours d'un débat entre Jerome Charyn et Marc Chénetier, à la
librairie "Village Voice", on est allé jusqu'à parler de
"jumeaux" et de clones. Mais ces contacts ne sont parfois
ni sollicités, ni par l'un d'eux ni par les deux.
Au cours des XVèmes assises d'Arles, Jean Rouaud a clairement posé
le problème en évoquant ses relations avec ses traducteurs. "Certains
s'arrangent sans l'auteur; d'autres le questionnent, surtout sur les
références culturelles, fréquentes dans ses textes; d'autres encore
lui ouvrent des horizons par des questions érudites sur des soit-disant
références, qu'il découvre." (Trans Littérature, 16 hiver
98, 49.)
Avec certaines précautions, certains parallèles semblent possibles
avec le rapport éventuel pouvant se créer entre le chercheur (thésard)
et l'auteur contemporain sur lequel il écrit—rapport qui peut être,
soit recherché, soit violemment rejeté. J'ai, parmi mes étudiants,
de nombreux exemples de ces deux attitudes parfaitement justifiables,
l'une comme l'autre.
On pourrait également évoquer le rapport qui peut exister entre le
biographe et son biographé (belle parodie de ce rapport dernier roman
de Kingsley Amis: The Biographer's Moustache). D'autres parallèles
semblent possibles, comme celui qui se crée entre le réalisateur et
l'auteur de l'œuvre qu'il adapte à l'écran.
Souvent ces deux attitudes contrastées semblent se résumer dans une
nouvelle version du pour ou contre Sainte Beuve en se demandant si
l'auteur est ce scripteur dont parlait Barthes dans sa première période
et si la meilleure chose qui lui reste à faire est bien, selon les
termes d'Umberto Eco, de nous rendre le service de mourir immédiatement
après avoir écrit son texte. (Umberto Eco, Apostille au nom de
la rose, 1983, 14.)
D'autres, comme l'Argentin Arnaldo Calveyra, en se plaçant du côté
de l'auteur, voient dans cette collaboration une véritable épiphanie
créatrice: "Travailler avec un traducteur est un moment béni
pour un auteur. Cela signifie avant tout s'éloigner du texte, le relire—mais
cette fois en présence d'un témoin, d'un regard d'exception, celui
du traducteur—comme j'aurais été incapable de la faire tout seul.
L'arrivée du traducteur s'apparente à un miracle; il va nous faciliter
les choses et, tout en faisant son travail de traducteur, nous aidera
à parfaire le nôtre, celui d'écrivain." (Le Monde, 13
nov. 1998).
Le rejet
ou l'éventuelle collaboration entre un écrivain et son traducteur,
pouvant porter sur quelques points mineurs et pouvant aller jusqu'à
une quasi co-écriture ou à une réécriture, illustrée par des exemples
précis provenant de l'expérience des communicants auteurs ou traducteurs,
était l'un des objectifs de ce colloque.
Programme
du colloque
9h.15-9h.45
Jean Guiloineau (traducteur, notamment
d'André Brink, Breyten Bretenbach, Toni Morrison) : « L’invention
de la traduction. »
9h.45-10h.15
Bernard Turle (traducteur, notamment de Peter Ackroyd, Rupert
Thomson) : « La fausse trahison. »
10h.15-10h.45
Rémi Lambrechts (traducteur, notamment de Saul Bellow, John
Updike) : « Géométrie d’un triangle : comment
le traducteur s’inscrit-il dans la relation auteur étranger/lecteur
français ? »
11h.15-11h.45
David Lodge (écrivain) / Maurice Couturier (traducteur
et Professeur à Nice): « Words
and Things »
11h.45-12h.30
table ronde
*
14h.30-15h.
Jean Besson (traducteur de Wilde) : « Oscar Wilde
et ses traducteurs »
15h.-15h.30
Pascale Sardin (Maître de conférences à Bordeaux) : « Samuel
Beckett auto-traducteur, ou l’art de la « malfaçon » traductive. »
15h.30-16h.
Sebastian Barry (écrivain) / Robert Davreu
(traducteur et Professeur à Paris VIII)
16h.-16h.30
Jerome Charyn (écrivain) /Marc Chénetier (traducteur
et Professeur à Paris VII)
16h.30-17h.30
table ronde