Résumé

Paul Veyret

Maître de conférences
IUFM de Paris

« Watching the Detective: a Reading of Kazuo Ishiguro’s When We Were Orphans. »

15 janvier 2002, Sorbonne.

 

When We Were Orphans s’articule autour d'un fantasme infantile : celui de pouvoir retrouver ses parents disparus. A l’instar de « La Maison vide », ce récit de Conan Doyle qui voit la résurrection miraculeuse de Sherlock afin de répondre aux attentes de ses lecteurs, When We Were Orphans, cinquième roman d’Ishiguro, est la mise en récit d’un fantasme de résurrection. Christopher Banks fonde toute son existence sur l’improbable retour de ses parents, faits prisonniers par un seigneur de la guerre chinois. C’est cette notion de « chez soi », de home, qui est au cœur de la fable que construit Christopher Banks : pour cet orphelin sans attache, la pierre fondatrice de sa carrière de détective privé est l’idée que, tout comme Holmes, il peut débarrasser le monde du mal et résoudre l’énigme de son propre passé. Nous suivons donc à la trace le détective qui suit les indices de sa propre vie.

1- « Le cas étrange du détective égaré : espaces intertextuels. »

Ishiguro subvertit l’image traditionnelle du détective inspectant les lieux du crime : en l’espèce, le travail de Banks est constamment remis en question par le biais de l’ironie. Sa fonction épistémologique est ainsi frustrée, détournée. La maison vide de Shanghai qu’il espère fouiller afin de découvrir ses parents n’est que l’enveloppe vide de ses rêves, l’emblème d’une nostalgie pour une enfance disparue et dont il n’a pas encore fait le deuil.

2- « Le retour du naïf : le modernisme revisité »

When We Were Orphans est un roman éminemment freudien : des scènes oniriques, de retour du refoulé, se succèdent et atteignent un paroxysme où se mêlent humour et horreur dans les ruines de Shanghai en guerre. Banks est le narrateur naïf qui retourne sur les lieux du crime dans l’espoir de redécouvrir des lieux qu’il aimerait, mais ne peut, reconnaître. C’est l’entropie qui gouverne le monde, et, de manière tout à fait moderniste, le lecteur se rend compte que dans ce récit, « the center cannot hold ». Alors qu’il résout enfin l’énigme œdipienne de son existence, son monde s'effondre. La littérature moderniste est le topoi qu’Ishiguro se plaît à revisiter avec ironie.

3- « Le monde d’à côté »

Le monde que Banks crée à partir de ses fantasmes remet en question la nature même des conventions de l’écriture réaliste : le comique et le fantastique contenus dans le roman menacent l’intégrité ontologique du texte. L’introspection rétrospective mène à la superposition de deux niveaux de réalité contradictoires, une forme d’hétérotopie est ainsi créée (cf Brian McHale, Postmodernist Fiction).

Une fois de plus Ishiguro utilise un personnage familier afin de questionner les codes du réalisme : il propose au lecteur un texte, une « demeure », un « lieu », tout à fait unheimlich, hanté par les spectres d’une réalité autre.

       

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